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Police : « l’IGPN doit devenir indépendante du ministère de l’Intérieur »



Ce sont les récentes actualités autour de la loi Sécurité Globale qui vous ont donné l’idée de cette proposition de loi ? Non, en fait, j’ai eu envie de réfléchir à ses sujets à la sortie du mouvement des Gilets Jaunes car nous avons constaté une multiplication de violences policières visibles qui se sont accumulées à des violences policières non visibles dont j’entendais beaucoup parler en tant qu’élue de banlieue. Je me suis en effet rendue compte qu’il existait des pratiques employées dans les quartiers populaires et qui s’étaient depuis étendues dans le cadre des manifestations Gilets Jaunes. J’ai donc travaillé la question depuis plusieurs mois maintenant car je pense qu’il est urgent de refonder le lien entre la police et les citoyens.

Le rétablissement de la confiance entre la population et la police passe forcément pour vous par une indépendance de l’IGPN ? Oui et je crois que sur ces sujets sensibles, il faut faire des propositions concrètes et ne pas être dans l’incantation. Lorsque j’ai entendu les ministres de l’Intérieur Castaner et Darmanin dire que leur rôle était avant tout de protéger les policiers, cela m’a fait bondir. Pour moi, ce n’est pas cela le rôle d’un ministre de l’Intérieur. Son rôle, c’est de faire en sorte que la police soit un outil efficace et que les policiers disposent de bonnes conditions de travail, tout en garantissant un équilibre dans l’usage de la force. C’est donc pourquoi, il faut rendre l’IGPN indépendante de la place Beauvau.

De quelle façon ? Nous avons regardé ce qui se faisait à l’étranger, notamment du côté de la Belgique et de l’Angleterre, et nous avons aussi travaillé avec les services du Sénat que je veux ici remercier. Et de fil en aiguille, on s’est rendu compte qu’il fallait créer une autorité administrative indépendante. Comme le Défenseur des droits a déjà un vice-président chargé de la déontologie des forces de sécurité privées et publiques, nous nous sommes dit qu’il fallait prendre les principales missions de l’IGPN et les transférer à ce déontologue dans le cadre de l’autorité administrative indépendante du défenseur des droits.

Cela veut dire que l’IGPN ne pourra plus être saisie et donc enquêter ? Oui, avec ma PPL, c’est le vice-président du Défenseur des droits, ce fameux déontologue des forces de l’ordre et de sécurité privées qui en aura la charge de façon indépendante. Ce dernier aura pour mission de veiller au respect de la déontologie des policiers et sera saisi automatiquement dès qu’un commissariat recueillera une plainte mettant en cause un policier. L’enquête sera alors réalisée par les services du défenseur des droits et cela nécessitera des transferts de personnels comme des officiers de police judiciaire avec des capacités d’enquête.

Mais aujourd’hui le Défenseur des droits peut déjà saisir le ministère de l’Intérieur ? Oui, bien sûr sauf qu’il l’a fait sur 36 dossiers ces dernières années et il n’y a eu aucune réponse. On voit bien aujourd’hui qu’avec ce positionnement politique du ministère de l’Intérieur, il existe de fortes suspicions sur le fait qu’on demande à l’IGPN de ne pas faire d’excès de zèle. Notamment quand on sait que la carrière des agents de l’IGPN dépend du ministère de l’Intérieur. Il faut donc rendre tout cela indépendant.

Politiquement, cela va être compliqué de faire voter cette proposition de loi au Sénat, non ? Je ne sais pas. En revanche, ce que je sais c’est qu’entre le moment ou j’ai commencé à travailler avant le premier confinement sur cette PPL et aujourd’hui, il y a eu de nouvelles manifestations et de nouvelles bavures. Et puis pour ne pas avoir à attendre une niche parlementaire, ce qui est toujours difficile avec un groupe politique minoritaire comme le mien, je compte proposer cette PPL sous la forme d’en amendement dans la loi Sécurité Globale qui devrait prochainement arriver au Sénat.

Vous n’avez pas peur que les forces de l’ordre et notamment les syndicats policiers le prennent mal ? Ecoutez, parce que nous serions dans un moment où tel ou tel prendrait mal les choses, donc on ne ferait plus rien ? Non, là je crois qu’il est grand temps d’écouter la voix de la raison pour arrêter l’escalade entre l’ensemble de la population et sa police.

Vous avez des liens, des contacts avec le gouvernement ? Non, pas pour le moment. J’ai terminé mon travail et j’ai déposé ma proposition de loi. La balle est dans le camp du gouvernement. Ce que je veux, c’est que la concorde revienne dans le pays et qu’on retrouve le chemin d’une police qui ne soit plus dans le déni. Après, j’ai aussi voulu insister dans ma PPL sur le fait qu’il ne fallait pas être uniquement dans la sanction et la répression. Il y a un volet médiation aussi dans cette PPL car mon objectif n’est pas d’incriminer la police mais plutôt de mettre un terme au malaise des policiers nationaux lié bien souvent à des conditions de travail extrêmement dégradées. C’est pourquoi j’insiste beaucoup sur l’existence malheureusement de risques psychosociaux dans la police et je souhaite que cette structure indépendante soit élargie à des représentants des avocats et d’associations qui travaillent dans le domaine de la sécurité publique et du rapport aux citoyens.

On le disait précédemment, votre PPL se télescope avec l’actualité liée notamment à la loi Sécurité Globale. « Une commission indépendante » présidée par Jean-Marie Delarue a été lancée par le gouvernement, qu’en pensez-vous ? A vrai dire, je ne comprends pas bien à quoi elle sert ! Suite aux nombreuses manifestations, le Premier ministre a dit qu’il voulait réécrire l’article 24. Mais nous n’avons pas besoin de commission pour cela. Laissons faire la navette parlementaire et laissons le Sénat mener ses auditions et faire son travail.

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