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La loi Covid-19 est adoptée mais ne permet pas de résoudre les inégalités face à la crise sanitaire

Dernière mise à jour : 26 mars 2020

Les textes comportant les mesures d’urgence face à l’épidémie de Coronavirus ont été adoptés au Parlement, dimanche 22 mars 2020. Les débats ont en effet été vifs, gouvernement, députés et sénateurs s’opposant sur de nombreux sujets. Une commission mixte paritaire, à savoir 7 députés et 7 sénateurs a donc dû se réunir pour trouver un compromis.

Au-delà de la volonté commune d’union nationale face à cette crise sanitaire, je suis convaincue que le gouvernement a manqué l’occasion d’agir contre les tensions qui montent dans notre société. Le gouvernement n’a pas entendu les inégalités qui sont plus que criantes : inégalités face à la crise sanitaire, inégalités face aux conditions de travail, inégalité face au confinement. Je me suis donc abstenue sur ce texte.


En bref, que contient la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de coronavirus?

Cette loi comporte 4 volets :

  • un volet sur « l’état d’urgence sanitaire » qui permet au gouvernement de prendre des mesures exceptionnelles de restriction des libertés (liberté d’aller et venir, liberté de réunion, liberté d’entreprendre) : des inquiétudes subsistent pour que cela ne remette pas en cause nos libertés publiques, et la capacité du Parlement de contrôler le Gouvernement. A donc été ajouté un volet sur le contrôle parlementaire au cours des discussions.

  • un volet sur « les mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19 » qui permet de soutenir les entreprises, mais remet en question nos acquis sociaux.

  • un volet sur les dispositions électorales et notamment l’organisation du deuxième tour des élections municipales 2020


En détails, quels sont les éléments qui ont fait débat?


  • État d’urgence sanitaire : La restriction des libertés publiques ne peut se faire sans un contrôle accru du Parlement 

La loi instaure un régime d’exception à vocation sanitaire.

Sur ce point, les débats se sont concentrés sur les pouvoirs donnés au gouvernement. En effet, si le Sénat souhaitait inscrire une liste limitative des mesures que le gouvernement pouvait prendre en application de l’État d’urgence, le gouvernement souhaitait disposer d’une « clause de compétence générale ».

L’enjeu était de s’assurer de la proportionnalité des pouvoirs exceptionnels de l’exécutif dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Nous avons donc demandé que le Parlement puisse contrôler efficacement et régulièrement le gouvernement à ce sujet. La restriction des libertés publiques, même en temps de crise, doit être contrôlée. Même en période de confinement, les élu.e.s se mobilisent pour que la démocratie continue.

In fine, le projet de loi donne le pouvoir au gouvernement de restreindre ou d’interdire la circulation des personnes et des véhicules, d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile, mettre en quarantaine les personnes susceptibles d’être infectées… Toutes violations des interdictions est punie d’une amende de 135euros. En cas de récidive, la contravention peut aller de 1500 à 3000 euros.


Le contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement reste insuffisant dans ce texte. En outre, le Gouvernement dispose de deux mois avec prolongation possible d’un mois sans être obligé de reconvoquer le Parlement.


Selon moi, les dispositions prises donnent au Gouvernement des marges de manœuvre très larges (ce qui est indispensable en temps de crise aigüe comme celle que nous traversons), mais sans que le Parlement n’ait obtenu de véritables garanties de contrôle.

  • Pour le gouvernement, les droits des salariés peuvent être sacrifiés pour éviter une crise économique trop importante.

La loi permet au gouvernement de prendre des mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre le coronavirus.

Après avoir repoussé temporairement la réforme de l’assurance chômage et la réforme des retraites, le gouvernement a souhaité aller plus loin et pris, dans ce texte, de nombreuses mesures pour protéger les Français.e.s comme la limitation des ruptures des contrats de travail et la prolongation de la trêve hivernale. Ces mesures sont à saluer.

Néanmoins, d’autres mesures ont soulevé de graves inquiétudes.


Je me suis particulièrement opposée au détricotage du droit du travail par le gouvernement.

De très lourdes modifications du code du travail sont en effet à déplorer ! Au départ, il était prévu que l’employeur puisse modifier les modalités d’acquisitions des congés et obliger ses salariés à prendre leurs RTT et congés payés pendant la période de crise sanitaire.

Élu.e.s de gauche, et organisations syndicales, nous nous sommes fortement opposés à ces dispositions. Nous avons été partiellement entendus sur les congés payés. Au final, la possibilité d’imposer les congés payés est limitée à 6 jours ouvrables et un accord d’entreprise ou de branche est nécessaire.

En revanche, les « dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié » pourront être imposées ou modifiées « unilatéralement » par l’employeur, sans qu’un accord collectif soit requis.

L’employeur des secteurs dits « essentiels » pourra par ailleurs déroger aux règles de durée de travail hebdomadaire et déroger au repos hebdomadaire et dominical. Mais les secteurs « esssentiels » sont si larges dans le texte de loi, que cela pourra concerner quasiment tout le monde !

J’ai rappelé en séance que même en temps de crise, il est nécessaire de protéger les salariés, notamment les plus vulnérables. Remettre en cause les droits des salariés (congés payés, comptes épargnes temps, jours de repos hebdomadaire) de manière unilatérale par les employeurs, et cela pour une durée indéterminée, est inacceptable.



En séance, sénateurs et sénatrices de gauche nous avons demandé à plusieurs reprises que ces dérogations au droit du travail soient inscrites dans le texte de loi. Proposition rejetée. Nous avons par ailleurs demandé l’encadrement temporel des mesures d’urgences en proposant la date limite du 1eravril 2021. Si les mesures devaient se poursuivre au-delà de ce délai, nous demandions que le Parlement puisse de nouveau se prononcer à ce sujet. Proposition rejetée.

Une petite avancée cependant : après l’avoir demandé plusieurs fois, le gouvernement a entendu l’opposition et est revenu sur la question des jours de carences c’est-à-dire la non-indemnisation des premiers jours d’arrêt maladie. Ils sont suspendus, dans le public comme dans le privé pendant la période de l’urgence sanitaire.

  • La question du deuxième tour des municipales :

Enfin, une partie du texte concernait les dispositions électorales.

Pour rappel, le premier tour des élections municipales s’est tenu le 15 mars dernier, dans un contexte sanitaire très particulier. Une fois le confinement total imposé, il paraissait impossible que le second tour ait lieu. Il fallait donc le reporter. Pour de nombreuses communes (plus de 30 000), aucun problème, une liste était gagnante à l’issue du premier tour. Il a donc été décidé que les résultats du premier tour soient maintenus.

Cependant, pour d’autres communes (environ 5000), aucune majorité ne s’est dégagée à l’issue du premier tour et il est donc nécessaire d’organiser un second tour pour départager les candidats. C’est la première fois dans l’histoire de la Vème République que le premier tour est dissocié du second, ce qui a engendré de nombreux débats : quelle date choisir pour le second tour ? Quelle date pour débuter la campagne du second tour ? Quand déposer les listes du second tour ?

Si le gouvernement et la majorité présidentielle souhaitaient une date de dépôt la plus lointaine possible, ce n’était pas le cas des élu.e.s – gauche et droite - au Sénat qui souhaitaient éviter au maximum de trop dissocier le premier tour du second, tout en tenant compte des circonstances exceptionnelles et de la nécessité de protéger les Français.e.s

Il a été décidé que le second tour, fixé initialement au 22 mars 2020, était reporté au plus tard en juin 2020. Le dépôt des listes du second tour devrait se faire quelques semaines en amont.

***


L’établissement d’un « Etat d’urgence sanitaire » est indispensable pour lutter efficacement pour la crise exceptionnelle que nous traversons. Cependant, quelques mesures portées par le gouvernement risquent de mettre de l’huile sur le feu alors que le climat social est déjà extrêmement tendu en France. Pour retrouver l’unité nationale face à la crise sanitaire, il est plus que jamais nécessaire de préserver nos garde-fous démocratiques, remédier aux inégalités sociales et territoriale et focaliser nos efforts de guerre sur la première des priorités, à avoir sauver des vies.

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