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Le gouvernement doit le dire aux fraudeurs fiscaux, la fête est finie

Dernière mise à jour : 26 nov. 2018



Le président Macron compensera-t-il son désintérêt pour la justice sociale par une révolution dans la lutte contre la fraude fiscale?Il nous est aujourd'hui permis d'être dubitatifs ou à tout le moins extrêmement vigilants. Car en ce domaine comme dans les autres, l'appétence communicationnelle du gouvernement pourrait créer un nouvel écran de fumée. On ne peut pas stigmatiser vulgairement les pauvres sur qui l'on déverserait un "pognon de dingue" et laisser s'envoler les sommes astronomiques de la fraude fiscale.

Il est en effet difficile d'être crédible quand on prétend lutter contre l'évasion fiscale et que, dans le même temps, on supprime l'Exit Tax sans proposer de dispositifs qui la remplace.

Alors que va s'engager début juillet au sénat l'examen du projet de loi contre la fraude, nous ne nous satisferons pas de quelques mesurettes, et nous serons extrêmement exigeants. De réels progrès ont été réalisés sous le quinquennat de François Hollande. Nous demandons donc des actes forts pour passer dans une nouvelle ère, n'osons pas dire un nouveau monde, pour tarir la fraude fiscale qui ronge les fondements de notre démocratie et creuse les déficits en ces temps de disette budgétaire.


Les chiffres en France donnent le vertige: les montants estimés de la fraude représentent 60 à 80 Md € par an. C'est l'équivalent du déficit budgétaire annuel de l'État. C'est ce qui permettrait d'augmenter les moyens alloués à l'éducation, la santé, à la sécurité, autant de services publics qui ont servi d'amortisseurs à la crise de 2008 et qui souffrent des logiques comptables qui leur sont imposées au quotidien.

L'instauration d'un système réellement dissuasif est la seule option efficace face à ces sommes qui s'envolent en tout impunité.

Ainsi, nous demandons d'une part l'augmentation du nombre de contrôles fiscaux annuels. Ceux-ci, alors que le nombre d'entreprises a augmenté, sont plafonnés à 50.000 par an environ. Et les chiffres sont immuables: chaque année ce sont 16.000 contrôles qui débouchent sur des redressements, dont 4000 environ sont graves, voire très graves. Le nombre de fraudes est constant. Aujourd'hui, une entreprise est en moyenne contrôlée une fois tous les 120 ans. Le dispositif actuel n'a rien de dissuasif.

Il faut dire que, faute de poursuites pénales pour les faits les plus graves, les redressements se limitent à des sanctions administratives : payez une amende, et circulez! La fraude fiscale, pour être combattue, doit donc être punie à sa juste mesure et pour le mal qu'elle fait à la société.

C'est pourquoi, nous exigeons d'autre part la suppression du verrou de Bercy.

Ce dernier confie au seul ministère des Comptes Publics la possibilité de poursuivre devant le juge les auteurs présumés d'une fraude fiscale, occasionnant une opacité totale et un sentiment profond d'inégalité devant la justice pour tous les citoyens qui payent honnêtement leurs impôts. Les délits de fraude fiscale doivent être punis aussi lourdement que l'ensemble des autres délits, sinon que penser? Que les délinquants en col blanc peuvent être traités avec mansuétude? Il est donc grand temps de dire aux fraudeurs que la fête est terminée.

Cette justice à deux vitesses n'est plus tolérable.D'autant que le verrou de Bercy est de surcroît condamnable à d'autres égards car il constitue une entrave inacceptable à la séparation des pouvoirs, qui est au fondement de notre démocratie.


Enfin, pour lutter contre la fraude fiscale, il est impératif d'apporter une réponse pénale réellement dissuasive.

Dès lors, il faut que le juge puisse être informé des dossiers les plus graves, sous réserve de critères inscrits dans la loi. Ces critères pourraient porter sur le montant de l'impôt éludé, sur l'intention de se soustraire à l'impôt, sur les cas où les faits sont commis en bande organisée, ou encore lorsque les comptes bancaires sont dissimulés à l'étranger, ainsi que pour les récidives.

La fin du verrou de Bercy nécessite ainsi une coopération renforcée entre l'administration fiscale et le parquet,qui ne sera possible que si des moyens suffisants leur sont accordés. Sa suppression fait d'ailleurs l'objet d'un consensus parlementaire car elle est aussi prônée à l'unanimité par les membres de la commission ad hoc de l'assemblée nationale qui a rendu ses conclusions fin mai. Mais la suppression du verrou de Bercy doit aussi s'accompagner d'un changement profond dans la politique pénale.


Il est inutile d'augmenter les peines prévues, amendes ou années d'emprisonnements, qui ne sont de toute façon jamais prononcées. Il faut que les juges utilisent davantage les peines existantes ou utilisent d'autres formes de sanctions comme des travaux d'intérêt généraux afin que les fraudeurs invétérés prennent pleinement conscience de la gravité de leurs actes.

Si la suppression du verrou de Bercy n'est pas devenue l'armature du texte du gouvernement au sortir de la première lecture au Sénat, nous ne pourrons nous satisfaire de cette loi, car elle ne sera clairement pas à la hauteur de enjeux posés.

Et au-delà, de part d'autres dispositifs qu'elle contient, elle donnera tous pouvoirs à Bercy pour poursuivre, dans l'opacité, une politique de lutte contre la fraude fiscale qui privilégie les transactions à la pénalisation de délits pourtant graves. Il appartient au gouvernement de prendre ses responsabilités


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